7RƪQRX Depuis sa présentation au Salon Nautique de Paris en 1989, le succès du Tofinou ne s’est jamais démenti. Mais comment un voilier de petite taille positionné dans le segment du haut de gamme a-t-il pu susciter et maintenir un tel désir ? En 1986, Philippe Joubert, le frère de Michel, célèbre architecte naval, fonde sur l’île de Ré le chantier Latitude 46, qui propose également des prestations de gardiennage. Il découvre parmi ses unités une jolie épave à coque blanche. Il s’agit d’un dériveur lesté de 7 mètres, dessiné en 1929 par le Capitaine Merle. Son propriétaire, Edouard Menuteau, a vécu au Dahomey et l’a baptisé Tofinou, ce qui signifie «gens de mer» en langue béninoise. C’est en le restaurant que Philippe a l’idée d’en faire un moule. Une première série est produite, en polyester, avec pont et coque en bois. Avec son tirant d’eau réduit, ce plan néo-retro est parfaitement adapté à la navigation dans le pertuis entre l’ile et le continent. Ses finitions poussées et son équipement intelligent (petit diesel, enrouleur de génois, grandcoffreétanche) séduisent Francis Dumoulin, rédacteur en chef du magazine Lui et amoureux de l’île de Ré. Il encourage ses amis à acheter des Tofinou, et c’est certainement grâce à lui que la renommée du petit voilier se propage. Performances et excellence En 2003, Latitude 46 lance un nouveau modèle de 9,5 mètres qui propulse la marque à l’étranger. Quatre ans plus tard, le chantier est revendu à Christian Iscovici, ancien directeur général de Bénéteau. La gamme s’étoffe avec l’arrivée de 8, 12 (dont une série est désignée par Starck) et 16 mètres tandis que le chantier rejoint le continent en 2014. L’année suivante, il est racheté par le groupe Experton-Revollier qui amplifie son offre déjà composée de Rhéa Marine et Wauquiez. Le nouveau Tofinou 9.7 est présenté en 2020, fruit d’une collaboration entre Michele Molino (architecte des performants MMW) et Pierre Gimbergues du Peugeot Design Lab pour le dessin du pont. Le style et la performance grimpe dans l’échelle de l’excellence. En octobre 2021, à l’occasion du Grand Pavois de la Rochelle, le groupe familial Exel Industries, coté en bourse, actif dans l’agriculture et la construction mécanique, annonce avoir pris le contrôle du pôle des 3 marques qui emploie 100 salariés et réalise un chiffre d’affaires de 15 millions d’euros. La recette du succès Eric Tabarly disait « un voilier qui marche bien est aussi un beau bateau. ». Mais la recette du succès des Tofinou ne tient pas seulement au respect des marqueurs classiques - étrave inclinée, petit brion arrondi affleurant, liston en bois verni pont en teck et rouf en acajou – ou à un accastillage malin et efficace, ni même à l’optimisation du poids grâce à l’emploi de matériaux modernes sur les productions les plus récentes - mât carbone, motorisation électrique Torqeedo, voiles en PX Black de chez X-Voiles – et encore moins, on s’en doutera, aux intérieurs dépouillés des versions day-boat… Non. Si le plus petit des Tofinou est toujours aussi apprécié du public lorsqu’il navigue en compagnie des majestueux vieux gréments lors des Régates Royales de Cannes, ou des Voiles de St Tropez, c’est surtout pour son supplément d’âme qui n’échappe à personne. Issus d’un mignon caboteur charentais qui cachait sa perfection sous sa petite taille, ces voiliers provoquent aujourd’hui une passion inconditionnelle. Serait-ce qu’un marabout africain se soit penché sur son destin, comme une fée sur un nouveau-né dans les légendes occidentales ? En tout cas, le premier Tofinou d’Edouard Menuteau navigue encore dans les eaux de l’île de Ré. L’ÂME DES GENS DE MER DOSSIER AUTO / BATEAU CONSTRUISONS NOTRE PAYS, ÉCONOMISONS L’ÉNERGIE Texte : Jean-Marie Chatelain Photos : Chantier Naval Latitude 46 Page 34 - Le Gratuit - N l3257 - Du 28 février au 2 mars 2022
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