Page 4 - Le Gratuit Nord - Nl719 - Du 20 au 26 mai 2022 L’exposition « Les Kanak & le bagne », financée par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, a été inaugurée, lundi, au fort Téremba et sur le site historique de l’île Nou. Destinée à être présentée dans toutes les communes du territoire, elle est la première étape d’un projet d’inscription du bagne calédonien au patrimoine mondial de l’Unesco. «Ça nous a pris 30 ans à nous, descendants d’Européens, les Caldoches, pour assumer cette histoire, puis les “Arabes” ont dû le faire aussi, c’est maintenant au temps des Kanak d’assumer. » Manuel Cormier, directeur du fort Téremba, précise : « On en parlait depuis plusieurs mois déjà avec Yves Mermoud (lire ci-contre), puis on a entendu Louis Mapou dire, dans sa déclaration de politique générale, qu’il voulait inscrire le bagne calédonien au patrimoine mondial de l’Unesco alors on s’est dit que le moment était venu. » Les associations Marguerite et Témoignage d’un passé, avec Manuel Cormier à la coordination, ont alors conçu l’exposition itinérante« Les Kanak et le bagne ». Vingt et un panneaux pour retracer l’histoire et évoquer un point méconnu : les unions entre anciens bagnards et femmes Kanak. Clément Touyada, habitant de Ouégoa témoigne, dans l’exposition, de cette « histoire taboue qui se sait mais ne se raconte pas ». Ni son père, ni son grand-père « à la peau claire » ne lui parlent. Ce n’est qu’adulte qu’il apprend, via des journalistes algériens, le nom de son ascendant : Saoud Ben Soussan, condamné au bagne en 1889. « C’était un soulagement pour ma mère, elle était heureuse de savoir d’où elle venait. C’est bien de faire cette démarche et d’en parler, pour savoir où l’on va. » Libérer la parole L’historien Louis-José Barbançon se souvient avoir déjà, dans une conférence à Canala il y a vingt ans, évoqué cette histoire kanak du bagne. « J’en ai reparlé il y a 15 ans alors je peux vous dire que cette exposition est une étape importante. Il fallait donner du temps au temps pour que les chaînes mentales tombent, la déclaration de politique générale du président Mapou a fait sauter les derniers cadenas qui auraient pu sauter avant, je voudrais maintenant que l’on n’entende plus que le bruit de la parole libérée. » Le gouvernement a financé, à hauteur de 2,5 millions de francs l’exposition itinérante. Elle sera traduite, avec l’Académie des langues kanak, dans les principales langues vernaculaires. Un site internet est également en cours de construction, destiné à devenir un portail incontournable de l’histoire du bagne calédonien. Marcel Unë, chef de cabinet de Mickaël Forrest, membre du gouvernement en charge de la culture, souligne l’objectif pédagogique de ce travail. « Nos manuels scolaires parlaient, à une époque, de nos ancêtres les Gaulois, il faut maintenant qu’on arrive à raconter aussi l’histoire du bagne autrement, qu’elle devienne une histoire commune à l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie, que nos enfants comprennent qu’il s’agit du ciment d’un avenir commun. » Un travail mémoriel et de transmission qui ne fait que commencer puisqu’une nouvelle exposition est déjà prévue l’année prochaine pour explorer, cette fois, les liens entre la communauté asiatique et le bagne. « On veut aussi faire bouger les choses au niveau touristique, précise Yves Mermoud, tout est prêt, la convention avec Nouméa Discovery est signée, on attend juste que les bateaux reviennent. » Objectif Unesco Enfin, l’inscription du bagne calédonien au patrimoine mondial de l’Unesco est l’objectif final avec, en forme de slogan cette phrase : « le bagne calédonien, comme racine imposée et partagée du destin commun ». Des mots qui résonnent pour Vaimu’a Muliava, membre du gouvernement. « Pour moi enfant, la culture s’arrêtait au foyer de Wallis-et-Futuna, car je ne connaissais pas le reste de l’histoire et ce n’est que maintenant, grâce à cette exposition, que je peux parler de la construction de mon identité calédonienne, j’espère que ce travail irriguera toutes les communautés, dans l’apaisement. » La première réunion du comité de pilotage pour l’inscription du bagne calédonien sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco devrait avoir lieu la semaine prochaine. Le processus devrait prendre des années.. Sarah Maquet « Les Kanak et le bagne » une histoire méconnue Inauguration de l’exposition, dans la boulangerie du fort Téremba, en présence de Louis Mapou, président du gouvernement. ZOOM
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