Le Gratuit Nord #683
A l’instar de sa Gibson SG achetée à Fidji dans les années 1970 et autres Stratocaster de collection qui trônent dans son salon, avec le temps, Ardi Panatte a pris de la valeur. Car rien ne prédestinait ce petit-fils de « niaouli » à devenir « le » chanteur fétiche de plusieurs générations de Calédoniens. Qui ne connaît pas, même parmi les plus jeunes, sa re- prise de Nouvelle-Calédonie ou d’autres tubes comme Maïma, La Caravane, Ko We Kara... Ardi Panatte, qui fête cette se- maine les cinquante ans d’une carrière riche d’une quinzaine d’albums et de centaines de concerts qui l’ont conduit des scènes du Majestic à Paris, en passant par Sydney, Java ou le Vanuatu, n’ a pas toujours été le crooner à la voix puissante que l’on connaît aujourd’hui. Inspiré par les Shadows et amoureux du son rock des années 1960, Ardi , né en 1953, écoute de la musique depuis son plus jeune âge. “ Mes parents allaient dans les fêtes javanaises. Les orches- tres jouaient aussi bien du rock que de la musique tra- ditionnelle. J’ai été imprégné de tout ça. J’ai grandi au Fau- bourg-Blanchot puis au 6 e Km. Je jouais avec les gamins dans la rue. On jouait beau- coup de musique tahitienne. On a monté petit groupe avec les copains, y’en a un qui m’a dit “tu veux pas essayer de jouer un peu de la guitare ?” Je jouais sur une corde. Je posais mon oreille sur la caisse et je sentais les vibrations me pénétrer, c’est ce qui m’a don- né envie de continuer. ” Ardi se souvient de son pre- mier cachet comme de sa première guitare - une Ma- ton Fyrbyrd achetée au prix de week-ends de sueur et de petits boulots. “ J’avais 15 ans et je jouais avec Les Meteors. J’ai fait mes armes comme ça dans les bals sur Poya, Bou- rail, Koné. J’étais guitariste, je ne chantais pas. ” “ Un jour, le guitariste de l’orchestre du Majestic n’est pas venu, ra- conte David Chuvan, fils de Joe, patron de l’établissement incontournable des fêtes calédoniennes des années 60 à 80. Les musiciens ont entendu qu’un jeune traînait dans le coin et qu’il était assez doué. C’est comme ça qu’il a été embauché. Il était tout jeune. ” “ Au Majestic, on jouait non-stop toute la nuit ! ” Voilà comment, âgé d’à peine 20 ans, il intègre les Pacific Boys, l’orchestre attitré du Majestic. « Je suis resté près de dix-huit ans avec eux. On jouait tous les vendredis et samedis soirs. J ’ai plongé comme ça dans l’univers de la variété et j’ai commencé à chanter un peu par hasard. Au début je ne chantais pas juste mais peu à peu, mon oreille et ma voix se sont ajustées. De guitariste rock blues, je suis passé a chanteur de bal musette et de variété et je me suis aperçu que j’avais une voix de crooner », se souvient celui qui s’est inscrit au Con- servatoire pour apprendre le solfège et le chant alors qu’il avait déjà la cinquantaine. “ Le Majestic, c’était quelque chose ! On dépassait toujours les horaires et il fallait jouer non-stop toute la nuit et on choisissait le répertoire en fonction de la clientèle. ” En 1978, il enregistre son premier album, puis, en 1982, une cassette de chan- sons indonésiennes. “ J ’ai voulu faire plaisir à la com- munauté, dont j’ai toujours été très proche. J’ai puisé dans le répertoire des vieil- les chansons javanaises et, à ma grande surprise, ça a bien marché, au-delà de la diaspora. La seule chanson en français, Surabaya, avait fait un tube. Ensuite je suis parti en Indonésie. J’ai voulu rencontrer ma famille. Mes grands-parents maternels sont arrivés sur le Caillou en 1922 et sont repartis en 1953. J’ai failli naître là bas, mais mes parents, nés à Touho, n’ont pas suivi. ” Ce retour aux sources marque profondément Ardi, qui garde une immense fierté d’avoir rendu, en 1996, à l’occasion du centenaire de la présence indonésienne, un hommage à ses anciens avec le titre 100 ans déjà. “ J’ai rencontré ma grand-mère, j’avais les larmes qui coulaient. Je suis allé au berceau de mes origines, ça PȇD UHJRQȵ« (Q UHYHQDQW RQ m’a contacté pour représent- er la Calédonie au concours de la chanson d’outre-mer, avec Pour toi ce slow et je VXLV WRPE« HQ ȴQDOH FRQWUH mon ami Jimmy Oedin. Ça m’a permis d’aller chanter dans la salle Gaveau, à Paris, et de rencontrer Jocelyne Béroard qui ne chantait pas avec Kas- sav mais représentait la Marti- nique. Quand, à mon retour, on m’a proposé de reprendre la chanson Nouvelle-Calédo- nie, de Gabriel Simonin, je suis devenu le chanteur des Calédoniens de toutes orig- ines. ” En 1991, Ardi, touché par une pathologie aux mains, doit ar- rêter la guitare. Mais à force GH FRXUDJH LO ȴQLW SDU SRXYRLU rejouer. “ Une belle victoire ”, souligne David Chuvan. Plus récemment, sa rencon- tre avec la chanteuse Patri- cia Segui, qui l’accompagne dans son show, lui donne un nouvelle inspiration. “ Après le spectacle on va bosser en- semble des compos, c’est le renouveau d’Ardi Panatte ”, s’amuse le jeune sexagénaire, prêt à écrire un nouveau chapitre d’une carrière déjà bien riche. Figure incontournable du paysage musical local et personnage attachant, Ardi Panatte fête depuis jeudi ses cinquante ans de carrière. Retour sur un demi-siècle de bals populaires et d’expériences sonores qui ont fait de lui un ambassadeur du Caillou. ARDI PANATTE, LE CROONER DU CAILLOU, célèbre ses cinquante ans de carrière ZOOM Photo Thierry Perron Ardi Panatte, fan de Santana, est un guitariste de blues rock avant d’être un chanteur de variété. Les Last Souls, en 1971 au Rex avec Jules Sabeni, Fizin Xenie dit Fiz, Raymond Ujicas, Nounouche, Martin dit Casserole. Avec ce groupe de pop rock, ils sillonnent les scènes nouméennes et la Brousse entre les kermesses, les mariages et les fêtes privées. Julien Mazzoni Photo DR Page 8 - Le Gratuit Nord - N l 683 - Du 3 au 9 septembre 2021
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