Le Gratuit Nord 673
Quelle méthode avez-vous mise en place pour éva- luer l’aide provinciale à la pêche ? Catherine Sabinot : Nous avons établi un échantillon de soixante-dix-huit pêcheurs aidés que nous avons soumis, lors d’entretiens, à un ques- tionnaire d’une heure et demie. Nous avons aussi interrogé plus de cinquante autres acteurs de la pêche, avec des entretiens semi-di- rectifs. Nous avons rencontré des colporteurs des agents du service des milieux et ressou- rces aquatiques, des pêcheurs non professionnels, nous nous sommes rendus sur les marchés, sur les foires et nous avons noté les déplacements des gens pour aller vendre leurs produits. C’est l’ensem- EOH GH FHWWH ȴOLªUH TXL D «W« observé. C’est l’articulation de ces démarches quantitatives et qualitatives qui a permis de produire les résultats que nous présenterons jeudi. Avec cette conférence, vous cherchez maintenant à restituer les résultats de votre étude au grand public… Séverine Bouard : Nous avons UHVWLWX« XQH SUHPLªUH YHUVLRQ de ce rapport à l’ensemble de l’équipe provinciale qui travaille avec les pêcheurs, puis nous avons mené cinq restitutions-débats à Bélep, à Pouébo, à Poindimié, à Koné et à Voh. Nous avons essayé d’adapter les choses au territoire. Suivant que nous soyons dans le Grand Nord ou à Canala, il peut y avoir des ajustements. Cet exercice d’amendements et d’ajuste- ments nous a aidé à construire la partie recommandation. Quelles sont les deux principales recommanda- tions que vous formulez aux acteurs des politiques publiques ? Séverine Bouard : Il y a un manque de connaissance des pêcheurs de la réglementation et de la sécurité en mer qui peuvent être renforcés. On ne fait pas seul de la pêche. Entre aller chercher le poisson, le vendre, le transformer et rem- plir les carnets de pêche, il faut que l’entourage du pêcheur soit pensé par ce dernier. Il faut s’assurer qu’il ait aut- our de lui les personnes qui permettront que son projet fonctionne. Catherine Sabinot : Une politique publique est souvent évaluée économique. Mais, nous pensons qu’il est essenti- ellement d’évaluer également ce qu’elle produit socialement. Il faut intégrer des éléments non monétaires pour évaluer OH VXFFªV RX QRQ GȇXQH SROL - tique. Quelles sont les aides ac- cordées aux pêcheurs ? Catherine Sabinot : Il y a un accompagnement, avec des formations. Nous avons ainsi participé à une formation sur l’utilisation des cartes marines et des GPS, pour mieux nav- LJXHU HW RULU XQH PHLOOHXUH sécurité en mer, à Bélep, en 2018. Il y a également une participa- WLRQ DX ȴQDQFHPHQW GH PDW«UL - els. C’est de l’investissement, pour contribuer à l’achat d’un bateau, d’un moteur, etc. C’est l’appui que les pêcheurs iden- WLȴHQW OH PLHX[ (QWUH HW 2015, il y a eu 27 millions de francs d’investissement par DQ GȇDLGH ¢ OD S¬FKH F¶WLªUH PDLV FȇHVW GLɝFLOH Gȇ«YDOXHU économiquement l’ensemble du temps consacré à l’accom- pagnement de la pêche par les agents provinciaux. Il y a également un appui provin- cial pour le développement de nouvelles pêches. Pour la pêche au vivaneau, il y a un soutien pour outiller et former les gens à cette pêche-là. Idem sur holothuries. Les appuis dif- IªUHQW HQ IRQFWLRQ GHV S¬FKHV HW GHV HVSªFHV Qu’est-ce qui différencie un pêcheur professionnel d’un autre ? Catherine Sabinot : C’est quel- qu’un qui a une autorisation de pêche de la province Nord et qui a un ridet pour la vente de ses produits. Plus de 300 pêcheurs professionnels sont recensés cette année. Ils sont tenus de remplir des carnets de pêche, pour que la province ait une visibilité sur ce qui sort de l’eau et décide de la gestion de cette ressource. Séverine Bouard : C’est un échange en contrepartie d’une aide de province. D’autant que ces carnets permettent aux pêcheurs de suivre leurs sorties et de demander plus facilement une aide au car- burant et au fonctionnement. Théoriquement, le respect de ces obligations créé un cercle vertueux. Avez-vous pu établir le portrait type d’un pêcheur en province Nord ? Séverine Bouard : Il en ex- iste une grande diversité, mais nous avons essayé de faire ressortir quelques FKLUHV TXHOTXHV PR\HQQHV et quelques extrêmes, pour en rendre compte. Il s’agit de beaucoup de gens qui vivent en tribu et dans le Grand Nord. Ce qui veut dire que l’aide provinciale va aux petits pêcheurs de territoires reculés, où il y a moins d’op- portunité de développement «FRQRPLTXH HW GȇDFFªV DX VDO - ariat. Les niveaux de revenus sont, en moyenne, de 105 000 francs par mois. C’est assez faible, d’autant que 42 % des pêcheurs n’ont pas d’autres revenus réguliers. Cela per- met toutefois de subvenir aux besoins “de base”. Par contre, FHWWH DFWLYLW« HVW WUªV DSSU«FL«H et contribue beaucoup au bien être et à la vie sociale. Ce sont des gens qui sont satisfaits de mener leur activité et qui don- nent des retours positifs. Nous avons aussi rencontré des gens qui se sont lancés GDQV OD S¬FKH DSUªV XQH DXWUH expérience de travail à la mine à Nouméa et ailleurs. Ils ont fait le choix de vie de retourn- er à un mode de vie plus rural et la mise en valeur des ressources naturelles de prox- imité. Même si ces revenus ne sont pas élevés, ils contribuent à des choix, en termes de mode de vie. Votre étude rappelle également qu’être pêcheur confère un statut social certain… Séverine Bouard : C’est ce TXL UHVVRUW GH PDQLªUH DVVH] nette, aussi bien de la popula- tion kanak que non-kanak. Catherine Sabinot : Même si 60 %des volumes pêchés sont vendus, et que le reste est donné ou consommé, ce qui contribue à l’activité économique et à l’activité alimentaire. Ces gens restent ainsi dans leur lieu de vie et n’ont pas une vie centrée sur Nouméa mais sur leur village ou leur tribu. C’est un point LPSRUWDQW TXDQG RQ U«ȵ«FKLW on accompagne le développe- ment d’un territoire. Au-delà des aides qui vont à soixante- dix-huit acteurs, à bord des ba- WHDX[ FHV GHUQLªUHV YRQW DXVVL aux deux, trois, quatre, voir jusqu’à sept matelots à bord. D’autant que ce ne sont pas toujours les mêmes. Jusqu’à une dizaine de personnes par EDWHDX E«Q«ȴFLHQW GH OȇDSSXL de la province, en compagnie du capitaine. Séverine Bouard : Sortir en mer en tant que matelot, c’est toucher de l’argent parce que l’on a contribué à la sortie de pêche, mais aussi récupérer du poisson, mais c’est surtout un moment d’échange, où OȇRQ YD DSSUHQGUH DXSUªV GX capitaine aussi des endroits où l’on peut pêcher, que des tech- niques de pêche, des normes de sécurité, etc. C’est quelque chose qui est invisible et qu’on ne peut compter mais qui est incommensurable. Comme avez-vous pu rendre compte de la di- mension coutumière de la pêche ? Séverine Bouard : Dix pourcents des pêcheurs déclarent commercialiser leur pêche pour répondre à des coutumes. Cela montre comment les cérémonies FRXWXPLªUHV SHXYHQW ¬WUH PR - trices de création monétaire. Catherine Sabinot : Nous avons également demandé à l’ensemble des soixante-dix- huit pêcheurs s’ils avaient don- né des produits de la mer, lors GH OHXU GHUQLªUH FRXWXPH HQ 2019. Et nous sommes arrivés à un total de 112 tonnes. C’est XQ FKLUH «QRUPH UDSSRUW« ¢ l’ensemble de la production. Catherine Sabot et Séverine Bouard animeront une conférence, jeudi, à 17h30, au campus de Baco, avec de Nathaniel Cornuet, chef de service à la province Nord, pour présenter les grandes lignes d’une enquête sur l’efficacité des aides provinciales à la pêche côtière. «L’AIDE PROVINCIALE VA AUX petits pêcheurs de territoires reculés» Propos recueillis par Gédéon Richard ACTUS © Photo G.R. Page 2 - Le Gratuit Nord - N l 673 - Du 25 juin au 1er juillet 2021
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