Le Gratuit Nord 667

Quel est votre sentiment au moment de recevoir votre insigne de chevalier de la Légion d’honneur ? Le sentiment qui m’habite, c’est que cela aurait été bien qu’il y ait d’autres gens, car je ne crois pas être le seul méritant par ici. Du reste, c’est le sens que je donne à cette décoration, pour l’avoir déclinée à maintes reprises, je vais la recevoir au nom de toutes les personnes de bonne volonté qu’il y a dans ce pays. Pensez-vous à quelqu’un en particulier ? Quand je parcours la Calédonie, je vois des hommes et des femmes qui travaillent tout simplement dans un village de Brousse ou des îles. Des gens qui font que la vie est vivable. Une vie qui s’approche de ce l’on appelle une « bonne vie » selon les normes de par ici. Qu’est-ce qu’une « bonne vie »? Une vie où l’on ne passe pas son temps à survivre. Mais dans laquelle on pense paisiblement à l’avenir, au nôtre, mais aussi à celui de ceux et celles avec qui on vit. C’est aussi pou- voir au quotidien s’arrêter et prendre XQH JUDQGH ERX΍«H GȇR[\JªQH Le pays le permet, mais quand on sur- vit, on ne voit plus ces choses-là et on QH SUHQG SDV FHWWH JUDQGH ERX΍«H (W comme nos neurones fonctionnent ¢ OȇR[\JªQH ©D FDXVH TXHOTXHV SHWLWV SUREOªPHVȐ Quel regard portez-vous sur ces derniers mois très trou- blés ? Mon premier sentiment est que la situation dans laquelle nous sommes est la nôtre car nous l’avons voulue comme cela. Je continue de croire que chez les uns et chez les autres il va y avoir ce moment de sursaut où l’on va se dire « on a de la chance de vivre par ici ». On peut continuer de l’être, moyennant un peu de bienveillance. &HWWH VLWXDWLRQ GLɝFLOH QH QRXV HVW SDV tombée dessus par hasard. C’est un principe de médiation que j’ai toujours eu et que je pense pouvoir garder : quand on est en mesure de VH FU«HU GHV SUREOªPHV RQ HVW DXVVL en mesure de se donner les solutions. )DXW LO HQFRUH UHS«UHU OH SUREOªPH Vous invitez donc chacun à agir ? -H GLV FHOD ¢ SDUWLU GH OD GL΍«UHQFH TXH l’on doit toujours faire entre l’intelli- JHQFH LQWULQVªTXH ¢ FKDTXH LQGLYLGX et l’éducation, qui nous vient de l’ex- térieur. La beauté de l’intelligence, c’est lorsque chacun agit là où il est. Qu’un sourire apparaît sur le vis- age d’un enfant, qu’une vieille per- sonne vit ses jours dans une certaine sérénité et que celles qui sont dans la force de l’âge fassent ce qu’elles ont à faire avec la conviction qu’elles sont en train de construire quelque FKRVH GH ERQ (W O¢ OȇLQWHOOLJHQFH HVW manifestée. C’est possible, car tout être humain est doté de cette intelligence. Au re- JDUG GHV VLWXDWLRQV GLɝFLOHV TXH OȇRQ a connues et que nous allons encore connaître, force est de constater que chacun n’a pas utilisé son potentiel. Une manifestation de cette intelli- gence est la conscience de la com- plémentarité de chacun. Comment appréhendez-vous ces prochains mois ? Ce que je sais c’est que le potentiel est là. À chacun de faire des choix pour que « ma vie à moi » soit bonne et si ma vie est bonne, c’est ce que je voudrais pour qui que ce soit d’autre. On touche à l’antique principe de vie : vouloir pour les autres ce que l’on veut pour soi. Quel message adressez-vous à la jeunesse ? Je souhaite que nos jeunes, au-delà de leur appartenance, ne soient pas inféodés à nos vouloirs d’adultes, mais qu’ils acceptent de se retrouver au-delà des ethnies et de ce qui peut nous séparer. Quel doit être le rôle des adultes ? Accompagnons nos enfants car ils ont leurs propres rêves, et si nous avons quelque ouvrage à accomplir, c’est de faire en sorte que ces rêves se réalisent. Quel est votre souhait pour la Calédonie ? L’imagination est le début de bien des choses. Mon souhait serait donc que les êtres intelligents que nous som- mes commencions à imaginer une Calédonie nouvelle et belle. Vendredi 6 mai, quelques heures avant d’être décoré de la Légion d’honneur, cette figure incontournable de l’Église catholique calédonienne, connue pour son rôle de médiateur dans les conflits les plus douloureux de ces dernières décennies, se confie sur l’avenir. ENTRETIEN AVEC le père Roch Apikaoua, vicaire général de Nouvelle-Calédonie ACTUS © Photo Thierry Perron Le père Roch Apikaoua a reçu, vendredi soir, son insigne de chevalier de la Légion d’hon- neur. Une distinction qu’il a dédiée à « toutes les bonnes volontés qui œuvrent dans l’ombre ». « C’est la grandeur de la République que de reconnaître la participation de l’Église dans la vie de la cité », a souligné le père Apikaoua. Propos recueillis par Marion Courtassol © Photo Thierry Perron Page 2 - Le Gratuit Nord - N l 667 - Du 14 au 20 mai 2021

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