Le Gratuit Nord 619

O n parle de l’amour qu’il avait du bois, de ses gaïacs mag- nifiques qu’il avait appris à sculpter en autodidacte. A Hulup, il laisse un hom- me droit face aux avions. Des poissons dans une main, une perruche sur sa tête et le voyage en point de mire. « Ça raconte d’où on vient et comment on vit », me glisse à l’oreille une maman de l’île. J’y vois le sculpteur disparu. A Ou- véa, pas de Kapoa. Ici, on l’appelle Célé. « Il était le meilleur d’entre nous, réagit Carolo Poeta, responsable de la commission culture à la mairie d’Ouvéa, sa mort est une perte pour notre île, c’était un grand bonhomme et un père qui a su trans- mettre ». Car chez les Tiaou, OD VFXOSWXUH HVW D΍DLUH GH famille, initiée par Kapoa et sa femme, Béatrice. Venue de Corse, elle rencontre son futur mari en 1988, en arrivant en Calédonie. Lui est veuf et père de trois enfants. Ensemble, ils en concevront sept autres. « J’ai appris à sculpter avec lui, je voulais l’encourager dans cette voie, même si je savais que c’était diffi- cile d’en vivre », témoignait Béatrice Tiaou dans Les Nouvelles Calédoniennes en 2016, lors de l’ouverture de l’exposition Folau, au Méridien à Nouméa. Une exposition avec des œuvres de toute la famille. Une famille d’artistes La sculpture, une affaire de famille. A Ouvéa, les touristes connaissent au- jourd’hui plus Marjorie que son père. Elle n’est pas la seule des enfants Tiaou à assurer la relève. « J’ai toujours vu mes deux par- ents sculpter, se souvient Melëm, 29 ans, on a tous appris avec eux, même la dernière qui a 11 ans. » Le jeune homme se souvient aussi de la mise en garde de VRQ SªUH VXU OD GLɝFXOW« GH vivre de sa passion. Il le re- voit travailler, durant un an ou deux, comme aide-soi- gnant afin d’arrondir les ȴQV GH PRLV m Mais il était quand même très optimiste et il avait raison, voyez, je suis maintenant sur les ré- seaux sociaux pour la ven- te de mon art, lui n’y était pas. » Melëm se souvient de son père comme d’une « grande source d’inspira- tion et grand exemple de foi, une personne déter- minée qui dégageait un esprit de joie et qui rendait heureux les gens autour de lui. » Une bienveillance que se remémorent aussi ses anciens élèves, com- me Christine, qui a suivi des cours à Kaméré, chez le sculpteur, en 2018. « Je ressens encore la joie du premier jour. A chaque er- reur, il reprenait mon bois, le rabotait un peu et m’en- courageait à continuer, il ne regardait jamais l’heure, vi- vait chaque instant dans la générosité } $X ȴO GH VHV 30 ans de carrière, l’art de Kapoa Tiaou a évolué du figuratif à l’abstrait. Une nouvelle façon de partag- er. « L’abstrait permet d’ex- primer plusieurs messa- ges, explique Melëm, ça lui permettait de laisser plus de monde s’exprimer à leur manière ». En 2018, Kapoa Tiaou parlait de l’histoire de sa famille, « qui commence toujours par un voyage ». Alors qu’il s’apprêtait à al- ler vivre aux Etats-Unis avec sa femme, près de l’une de ses filles, ses problèmes FDUGLDTXHV RQW ȴQDOHPHQW eu raison de cet artiste au grand cœur. ZOOM KAPOA TIAOU : un grand sculpteur s’en est allé Un petit garçon au pied d’une immense sculpture en bois. Il l’observe, s’approche, pose une main dessus. L’image, un souvenir à l’aérodrome d’Ouvéa, revient, alors que les témoignages autour de Kapoa Tiaou se multiplient. Page 4 - Le Gratuit Nord -N l 619 - Du 05 au 11 juin 2020

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